Les patients victimes d’accident vasculaire cérébral (AVC) sont au centre du plan AVC lancé par le ministère de la Santé en avril 2010 1
1 http://www.sante-sports.gouv.fr/documentation,3919.html (dernière consultation 18/08/2010).
. Il faut y voir la suite logique et heureuse des travaux menés par la Société française de neurologie vasculaire (SFNV) depuis de nombreuses années avec les principaux usagers représentés par France AVC et les très nombreux professionnels concernés. Ce plan reprend les principales préconisations du rapport du Dr Elisabeth Fery-Lemonnier, juillet 2009 22 http://www.sante-sports.gouv.fr/la-prevention-et-la-prise-en-charge-des-accidents-vasculaires-cerebraux-en-france.html (dernière consultation 18/08/2010).
. La Société française de médecine physique et de réadaptation (SOFMER) a pleinement participé à ces travaux grâce au groupe de travail coordonné par Jacques Pelissier.Ce plan a l’ambition de renforcer toutes les actions, de la prévention au traitement et à la réadaptation, afin de réduire la fréquence des AVC, leur gravité et les handicaps secondaires. De nombreux points concernent la médecine physique et de réadaptation (MPR) et les professionnels de la réadaptation (réadaptation entendue ici dans son sens large, incluant nos classiques 3R : rééducation, réadaptation et réinsertion). Il est composé de 17 « actions » regroupées en quatre axes.
L’axe 1 porte sur la « prévention et l’information ». De nombreuses équipes de MPR ont déjà élaboré des documents d’information destinés aux patients et aux soignants (action 1,3) et des actions pour la formation des aidants (action 2,4) qui devront être valorisés. L’éducation thérapeutique (ETP) (action 3) est un des objectifs majeurs de la SOFMER. Le comité ETP mis en place en 2008 a l’ambition d’élaborer des documents dans différents domaines (autosondage, lombalgies, AVC…). Certains sont achevés (autosondage) et le groupe ETP-AVC, avec la participation de la SFNV, de France AVC et des professionnels de la rééducation a fini une première vague d’élaboration de documents selon les recommandations 2007 de la Haute Autorité en santé (HAS). Ces documents actuellement en cours de validation par le comité de lecture élargi portent sur :
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les chutes ;
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les troubles de la déglutition ;
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la communication avec le patient aphasique ;
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les troubles cognitifs et comportementaux ;
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l’incontinence urinaire ;
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l’installation et la manutention du patient ;
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l’activité physique après AVC.
L’axe 2 porte sur la mise en place des « filières et systèmes d’informations adaptés ». Le plan y met l’AVC en priorité des schémas régionaux (action 5) avec de nombreux points qui nous concernent : mise en place des filières « aigu »-soins de suite et de réadaptation (SSR), définition d’une ou plusieurs structures de recours régional, création de lits cérébrolésés en SSR selon besoins, hospitalisation à domicile (HAD) de rééducation, liens avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH)… Il prévoit de « définir le contenu d’une consultation-bilan post-AVC » (action 6). Ce point est complété par le travail mené par la HAS sur l’élaboration d’indicateurs (cf. infra), travail auquel nous participons également activement. La place de consultation de MPR au cours de la première année y est prévue et devra y être définie. L’organisation de la prise en charge de l’enfant après AVC fera l’objet d’un travail spécifique (action 7). L’action 8 prévoit « de déployer et utiliser un système d’information adapté aux enjeux », ce chapitre particulièrement développé va des moyens diagnostics (télémédecine…), aux enquêtes épidémiologiques jusqu’aux règles de codage pour le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Là aussi nous sommes au cœur de la réflexion.
L’axe 3 « information et formation des professionnels » ouvre la voie à une réflexion sur le contenu de la formation des médecins et des paramédicaux autour de l’AVC et de ses conséquences (actions 11,1, 11,2). L’action 12 comporte en soi de très importants travaux pour la MPR, dont certains ont déjà été menés, concernant « l’élaboration de protocoles opérationnels, de recommandations de pratique professionnelle, de référentiels nationaux de prise en charge des AVC ». La conférence de consensus SOFMER-SFNV-SFG (Société française de gériatrie) d’octobre 2008 sur l’orientation après AVC en est une des bases. Les travaux que la SOFMER a entrepris dans la rédaction de programmes de soins en MPR s’inscrivent dans cette démarche essentielle de description des moyens à mettre en œuvre en faveur des patients dans les différentes situations les plus fréquemment rencontrées après AVC. Enfin, autre point essentiel de l’action 12 « l’élaboration des recommandations sur la prise en charge en rééducation au cours des six premiers mois » (action 12,2). Avec nos collaborateurs de la rééducation, les travaux de recueil, d’harmonisation de l’existant, de consensus sur les recommandations dans ce domaine doivent être poursuivis et s’appuyer sur les travaux de recherche clinique.
Enfin dans cet axe 3, l’amélioration des pratiques (indissociable des précédents) est particulièrement confiée à la HAS dans le cadre de son « programme pilote d’amélioration des pratiques ».
L’axe 4 « promouvoir la recherche et veiller aux équilibres démographiques » fait le constat d’une recherche insuffisamment développée dans le domaine des AVC et particulièrement en recherche fondamentale. L’action 16 prévoit de soutenir et de valoriser la recherche et c’est ainsi que le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) a mis l’AVC en axe prioritaire dès l’année 2010 et que cette priorité sera reconduite jusqu’à la fin du plan. Dès cette année, la MPR a obtenu ainsi le financement de trois PHRC et un soutien aux innovations coûteuses (STIC) dans cet axe AVC. Il est important de rappeler ici la naissance des PHRC « paramédicaux » à partir de 2011. Ils concerneront toutes les professions paramédicales et non plus seulement les infirmiers comme pour la première version 2010. Ces PHRC devraient être largement utilisés dans le domaine de la réadaptation avec notre soutien.
Enfin, l’action 17 prévoit de « contribuer à réguler la démographie des professions de santé » et fait notamment mention du besoin d’adapter le flux de formation par spécialité. À ce titre, l’arrêté du 12 juillet 2010 déterminant par spécialité le nombre d’internes en médecine à former pour la période 2010–2014 répond à la demande argumentée du Collège des enseignants (COFEMER) avec la SOFMER et la Fédération des MPR (FEDMER) puisqu’il est prévu 389 places en MPR pour la période. Le plan prévoit en outre d’encourager l’implication plus large des professionnels libéraux, médecins et rééducateurs, dans les filières AVC.
À ce plan AVC fait écho le travail de la HAS mené dans le cadre de l’amélioration des pratiques. Un recueil « d’indicateurs de pratiques cliniques » pour l’AVC a ainsi été publié en juin 2010 auquel la SOFMER a contribué.
Ces 41 indicateurs ont été élaborés en essayant d’exprimer la complexité de la prise en charge du patient après AVC qui implique un grand nombre de professionnels de santé pendant une longue durée et sur des composantes évidemment multiples. Ils ont pour ambition d’être progressivement utilisés pour mesurer l’efficacité, la sécurité et l’accès aux soins de ces patients tout au long du parcours. Ils devraient être mis en œuvre en 2011 avec une première analyse espérée prévue en 2012.
Une grande part de ces indicateurs s’adresse à l’urgence et aux traitements aigus ainsi qu’à la prévention secondaire. Mais les dimensions qui nous sont essentielles sont heureusement prises en compte : nécessité d’un bilan précoce portant sur les déficiences et les besoins en rééducation (indicateurs 13, 14, 16), nécessité d’une évaluation précoce pour une orientation elle-même précoce et adaptée (21, 22), place globale de la MPR dans la filière du patient AVC (11), nécessité de travailler sur le projet de vie du patient (24, 29), importance de l’éducation thérapeutique et la formation de l’entourage (28) et enfin, l’évaluation à long terme de la qualité de vie et des handicaps (41) dans laquelle la consultation avec un médecin MPR au cours de la première année est précisée.
Il y a un travail important à faire pour étudier le meilleur usage de ces indicateurs. Pour nous aider dans leur diffusion et surtout dans leur utilisation, la HAS propose aux principales sociétés concernées une convention avec mise à disposition de moyens.
Ces travaux en faveur des AVC doivent aussi avoir une influence positive pour de très nombreux autres patients souffrant de lésions cérébrales acquises, non dégénératives : traumatiques, infectieuses ou même tumorales notamment. Les traumatismes et les méningo-encéphalites infectieuses produisent des lésions plus diffuses dont la conséquence est la plus grande constance des troubles neuropsychologiques, mnésiques, instrumentaux et intellectuels. En outre, ces patients sont en moyenne plus jeune. Mais ils partagent avec les AVC de nombreux points communs :
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brutalité de survenue de lésions graves suivies d’une période de réparation cérébrale, d’amélioration neurologique et fonctionnelle ;
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influence très fortement positive de la rééducation ;
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rôle indispensable des processus de réadaptation et de réinsertion familiale sociale et/ou professionnelle ;
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longueur des processus de réparation et de réadaptation (plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années) ;
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nécessité d’intervention précoce des équipes de rééducation et réadaptation sous la responsabilité d’un médecin MPR dès la phase de soins aigus en réanimation : prévention des complications, orientation dans la structure la plus adaptée… ;
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nécessité de structures spécialisées en MPR disposant d’équipes pluridisciplinaires et de plateaux techniques d’évaluation et de réadaptation adaptés ;
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complexité du parcours de réinsertion et du projet de retour à domicile ; rôle obligé de l’entourage familial souvent fortement déstabilisé ; bouleversement des rapports familiaux et sociaux ; forte complexité, dite « biopsychosociale » ;
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nécessité pour les patients les plus gravement atteints de place d’hébergement en milieu spécialisé (foyers d’accueil médicalisé, maisons d’accueil spécialisées…).
Le rôle clé du médecin MPR dans la coordination des soins de réadaptation a d’ailleurs été reconnu par le ministère en confiant à la SOFMER la mission d’un groupe d’étude sur les traumatisés crâniens, mission associant France traumatisés crâniens et l’Union Nationale des Familles de Traumatisés crâniens, dont Pascale Pradat-Diehl assure la coordination.
Ce plan AVC n’est pas une réelle révolution ; il s’appuie sur les réalisations déjà faites depuis de nombreuses années tant dans les unités neurovasculaires que dans le domaine de la MPR en particulier. Mais il impulse une ambition supplémentaire qui est bonne à prendre. L’AVC est notamment mis au rang des priorités pour les agences régionales en santé. Il mobilisera les très nombreux acteurs professionnels de santé et gestionnaires concernés. Une enveloppe de 134 millions d’euros est annoncée pour la période, destinée nous dit-on, uniquement aux financements nouveaux. Dès 2010, sont annoncées des mesures dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale permettant en autre « l’amélioration des conditions de prise en charge en SSR ». Nous ne pouvons qu’espérer trouver là un écho à nos interrogations concernant la juste tarification des activités de médecine physique et de réadaptation.
Le comité de pilotage ministériel a été transformé en comité de suivi qui se réunira pendant cinq ans pour suivre l’avancée des mesures du plan. Dès le mois de septembre 2010, trois travaux spécifiques seront mis en œuvre avec de nouveaux groupes de travail : la consultation-bilan post AVC, les systèmes d’information et la recherche. Le groupe de travail sur l’AVC de l’enfant sera mis en place en janvier 2011.
Au total, ce plan donne l’espoir à de très nombreux patients cérébrolésés d’une amélioration de la prévention, des soins et des mesures de réadaptation à leur égard. Les médecins MPR y trouvent et prendront naturellement leur place. Le groupe SOFMER qui a initialement travaillé pour le comité de pilotage AVC (novembre 2008–janvier 2010) va être élargi afin de couvrir du mieux possible les travaux indispensables à venir. Jacques Pelissier en assurera heureusement toujours la coordination. Toutes les bonnes volontés seront donc les bienvenues.