Le cinquième séminaire international de la Fédération africaine des techniciens orthoprothésistes (FATO) s’est tenu du 27 au 30 avril 2009, à Hammamet (Tunisie) sur le thème « Handicap et technologies ; analyse de la situation et développement appropriés dans les pays africains ».
La FATO créée en 1992, officiellement reconnue en 1999 par les autorités du Burkina Faso (où elle siège), a acquis le statut d’Organisation non gouvernementale en 2003, regroupant les associations de pays africains avec comme objectifs de :
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de regrouper toutes les associations des techniciens orthoprothésistes d’Afrique dans un cadre d’échange, d’assistance mutuelle et d’épanouissement ;
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d’œuvrer pour la réadaptation fonctionnelle de toutes les personnes handicapées d’Afrique ;
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d’aider à la promotion et à la recherche de nouvelles technologies adaptées aux réalités africaines ;
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d’établir des liens de collaboration avec les autres organisations ressources du monde ;
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de créer un cadre de concertation, de formation et d’échanges d’expériences des pays africains entre eux et avec les autres pays du monde.
Cette manifestation s’est déroulée pour la première fois en Afrique du Nord (les quatre précédents séminaires ont été organisés en Afrique subsaharienne) et le choix s’est porté sur la Tunisie au vu de son expérience en matière de recherche appliquée et appropriée au contexte local, ainsi que sa politique avant-gardiste en faveur des personnes handicapées.
Le séminaire a réuni près de 300 personnes issues d’une quarantaine de nations (en majorité africaines, mais également européennes et américaines), œuvrant dans le domaine de la réadaptation :
médecins rééducateurs – orthopédistes-rhumatologues, techniciens orthoprothésistes (techniciens supérieurs ou intermédiaires, aides techniciens et cordonniers) – kinésithérapeutes-ergothérapeutes. Dans toutes les sociétés africaines, la population de personnes handicapées est dominée par les personnes handicapées motrices (entre 30 à 55 %), nécessitant un appareillage adapté pour favoriser leur intégration dans la société.
Trois principaux thèmes ont été traités :
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recherche développement et handicap ;
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ingénierie et handicap ;
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enseignement–formation technologique et handicap.
La première journée a été consacrée aux expériences et pratiques professionnelles en Afrique. L’équipe multidisciplinaire du laboratoire de biomécanique et biomatériaux appliqués à l’orthopédie de l’Institut national d’orthopédie Mohamed Kassab (La Manouba, Tunisie) a exposé, après la description du dispositif national tunisien de la recherche scientifique, son expérience de recherche appliquée sur le handicap par l’utilisation de la fibre alfa. Les ingénieurs ont rapporté les applications éventuelles de cette fibre abondante en Tunisie, notamment, comment la transformer en structure non tissée utilisable comme couche de renfort pour des emboîtures de prothèses. Des prototypes d’emboîtures en alfa ont ensuite été confectionnés et évalués en laboratoire, avec des résultats fort encourageants en termes de tolérance, légèreté et qualité de marche. Des expériences de centres d’appareillage orthopédique de Zambie, Sénégal, Sierra Leone et d’une initiative personnelle du Togo ont été rapportées, mettant en exergue les difficultés locales et l’engagement des intervenants. Tous ces travaux ont servi de base aux travaux de groupe sur le thème de la recherche développement en matière d’appareillage orthopédique en Afrique, dont les principales recommandations, regroupées en trois parties étaient :
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pour l’aspect de la perception : il existe une différence entre la recherche fondamentale, empirique et la recherche scientifique, appliquée. Les niveaux de recherche sont variables entre les pays africains. Les besoins réels ne sont pas correctement identifiés. On observe un manque de coordination des efforts, de cahiers de charges, de moyens (pouvant être aggravés par la crise économique mondiale), de démarche adéquate. La pluridisciplinarité est essentielle (ingénieurs, techniciens orthoprothésistes, physiothérapeutes, ergothérapeutes… médecins, industriels…). Le désir d’innovation est aussi un moteur de recherche. Cette recherche doit être continue dans le temps ;
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concernant les composantes et acteurs : l’introduction de méthodes d’évaluation et d’approche méthodologique (posant un diagnostic, identifiant des besoins, établissant une banque de données épidémiologiques) est essentielle. Des structures de recherche restent à être définies, avec l’aspect pluridisciplinaire déjà cité ; il peut s’agir de facultés, d’écoles de formation, d’écoles doctorales… permettant de pratiquer de la recherche à divers niveaux, sans négliger le terrain ni les utilisateurs d’appareillage orthopédique et leurs familles. Il convient de savoir mobiliser les ressources de la coopération internationale. Les industriels et les compagnies privées peuvent être d’intéressants partenaires. Tout ce programme ne peut se réaliser sans une réelle volonté politique, impliquant des moyens humains (avec de réelles compétences) ou matériels, ainsi qu’une législation sur la recherche. Il est nécessaire de créer des réseaux à divers niveaux, permettant la diffusion de l’information et des données bibliographiques ;
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parmi les principales attentes : des résultats de la recherche sont attendus en matière de changement d’attitude du gouvernement, des décideurs, des organismes de prise en charge sociale, mais aussi des utilisateurs d’appareillage orthopédique. Des résultats sont aussi attendus en matière d’innovation en appareillage orthopédique. La recherche appliquée doit définir des objectifs précis et répondre à une démarche basée sur les preuves (« evidence based medicine ») afin de pouvoir justement influencer les décideurs en montrant les retombées socioéconomiques. Cette démarche revient à être crédible, en respectant des standards (qui restent à préciser) et à publier les résultats. La formation continue et le renforcement des compétences doit être assuré. La diffusion des informations peut se faire par le network , avec des projets de collaboration multidisciplinaire avec diverses institutions de plusieurs pays, pour faciliter les échanges et les expériences et également rendre la recherche moins coûteuse. Par ce biais, la création et la consolidation de réseaux est essentielle. Des pôles régionaux africains devraient être développés, ainsi qu’un Centre de recherche africain. Les solutions doivent être appropriées aux pays africains, avec une diminution du coût tout en améliorant la qualité et le confort de l’appareillage orthopédique existant pour la personne handicapée avec satisfaction.
La deuxième journée a été dédiée aux expériences et pratiques des utilisateurs et des organismes internationaux ou organisations non gouvernementales, avec l’expérience de l’Amicale marocaine des handicapés, le constat et les défis sur le handicap et la réadaptation en Afrique selon le représentant de l’OMS, les actions engagées dans le cadre de la décennie africaine des personnes handicapées ou encore les pratiques industrielles sous l’impulsion d’organismes internationaux comme le croissant rouge international ainsi que le développement des capacités nationales. Des industriels impliqués dans l’appareillage orthopédique ont décrit et exposé leurs produits. Une table ronde sur l’ostéomyélite a permis des échanges de pratiques diagnostiques et thérapeutiques.
La démarche de formation a essentiellement été étudiée lors de la troisième journée, avec propositions de standardisation de qualifications d’orthoprothésistes en trois niveaux, selon les recommandations issues des conférences de consensus de l’International society for prosthetics and orthotics (ISPO) et des approches d’Afrique et d’Amérique du Sud.
Trois orateurs ont comparé la prise en charge interdisciplinaire des pieds bots dans divers pays d’Afrique, en insistant sur la méthode Ponseti et l’appareillage. Les séquelles de paralysie cérébrale ont été abordées sous la forme de nouvelles approches thérapeutiques en Tunisie et d’une mise au point sur l’appareillage orthopédique conséquent.
Le quatrième jour a été consacré aux fauteuils roulants, allant de la présentation du nouveau guide de fauteuils roulants manuels de l’OMS, aux critères d’octroi d’un fauteuil roulant, aux pathologies liées à l’utilisation du fauteuil roulant, aux démarches recherche et développement pour un tricycle tout terrain ou encore aux tests sur terrain et en laboratoire des fauteuils roulants. Il était intéressant de voir les modèles d’aides techniques de déplacement selon l’environnement avec divers modèles et matériaux plus adaptés au milieu « rural ». L’importance de l’accessibilité a été rappelée.
Le défi de l’Afrique est de s’incriminer dans un processus de recherche qui la concerne particulièrement. Outre la recherche de technologies appropriées à l’orthopédie africaine, il faudrait créer un cadre approprié à son fonctionnement. Espérons que les réseaux seront efficients d’ici le prochain séminaire de la FATO, pour le bien-être des personnes handicapées africaines.