Ostéoporose du blessé médullaire. Dépistage et traitement. Résultats d’une enquête sur les pratiques des médecins de MPR en France. Propositions de conduite à tenir vis-à-vis du dépistage et du traitement




Résumé


Objectif


La gestion de l’ostéoporose du blessé médullaire est une question récurrente dans la pratique quotidienne, mais la revue de la littérature ne fournit pas de protocole standardisé ni pour le dépistage, ni pour une stratégie de prévention ou de traitement. Nous avons évalué les pratiques des médecins de médecine physique et de réadaptation en France, avec comme objectif final de faire une proposition de prise en charge préventive et curative de cette ostéoporose.


Méthode


Un questionnaire a été envoyé à des praticiens exerçant une activité auprès de blessés médullaires en séjour en centre et en suivi. Le questionnaire comportait majoritairement des questions fermées.


Résultats


Vingt-six questionnaires ont été analysés. Le dépistage de l’ostéoporose n’est effectué de façon systématique que pour 19,2 % des médecins et après une fracture dans 80,2 % des cas. Le diagnostic de l’ostéoporose repose sur l’ostéodensitométrie (96 %). La verticalisation reste un moyen de prévention pour 88 % des médecins à la phase aiguë et pour 77 % à la phase chronique. Quatre-vingt-douze pour cent des praticiens traitent au stade d’ostéoporose confirmée.


Conclusion


Il n’y a globalement pas de prise en charge standardisée de l’ostéoporose chez le blessé médullaire. La recherche en est faite le plus souvent après fracture. Les données de la littérature et les résultats de ce questionnaire nous ont amenés à proposer un protocole de diagnostic précoce et de traitement préventif de l’ostéoporose à la phase aiguë, puis une surveillance systématique de la densité minérale osseuse.


Abstract


Objective


The management of osteoporosis in spinal cord injury that is a recurring issue in daily practice, but unfortunately, no standard protocol is provided by the literature review, either for screening or for a strategy of prevention and even for therapy. We assessed the practices of the physicians in physical medicine and rehabilitation from all over France, with the ultimate aim to propose a consensus for preventive and curative cares of that osteoporosis.


Methods


A questionnaire was sent to practitioners engaged with spinal cord injury (SCI) patients residing in the center and patients in medical monitoring. The questionnaire consisted mainly of closed questions.


Results


Twenty-six questionnaires are analyzed. The screening for osteoporosis is made routinely by only 19.2% of the practitioners and after a fracture in only 80.2% of the cases. The diagnosis of osteoporosis is based on bone densitometry (DEXA) (96%). Standing still remains a means of prevention for 88% of physicians in the acute phase and for 77% in the chronic phase. Ninety-two percent of practitioners treat at the stage of established osteoporosis.


Conclusion


There is generally no standardized management of osteoporosis in practice for SCI patients. The searching for osteoporosis is usually performed after a fracture. All the literature data and results of the questionnaire led us to propose a protocol consisting in a systematic monitoring of the bone mineral density for the screening of osteoporosis, but also a procedure for early diagnosis and for preventive treatment of osteoporosis in the acute phase.



Introduction


L’ostéoporose chez le blessé médullaire a été décrite pour la première fois dans les années 1940 et constitue une complication majeure du fait du risque fracturaire semble-t-il élevé (1–34 %), mais mal identifié car la fracture est dans cette population souvent paucisymptomatique . La gestion de cette ostéoporose est une question récurrente dans la pratique quotidienne, rendue difficile en l’absence de protocole et d’autorisation de mise sur le marché (AMM) de traitements antiostéoporotiques pour cette population. La revue de la littérature ne fournit pas de protocole standardisé quant à un dépistage de l’ostéoporose (biologique ou densitométrique) chez le blessé médullaire, ni quant à une éventuelle stratégie de prévention ou quant à un traitement après fracture dans ce contexte spécifique . En vue d’uniformiser une conduite à tenir, nous nous sommes proposés d’évaluer les pratiques des médecins de médecine physique et de réadaptation (MPR) en France, avec comme objectif final de faire une proposition consensuelle pour la prise en charge préventive et curative de l’ostéoporose du blessé médullaire.





Méthode


Nous avons réalisé une enquête à partir d’un questionnaire envoyé par émailing aux médecins de MPR prenant en charge des blessés médullaires à partir d’un listing de la Société française de médecine physique et de réadaptation (Sofmer) et de l’Association francophone et internationale des groupes d’animation de la paraplégie (AFIGAP).


Chaque questionnaire était adressé avec une lettre d’instruction et comportait comme consigne, le fait que le praticien exerce une activité auprès de blessés médullaires, en séjour en centre et en suivi. Le questionnaire devait être rempli à titre personnel par le praticien selon sa pratique, d’où le fait que plusieurs réponses par centre pouvaient être acceptées, à condition qu’il n’y ait pas de protocole standardisé dans ce centre. Dans ce cas, un seul questionnaire était retenu.


Le questionnaire comportait essentiellement des questions fermées. Les praticiens pouvaient ajouter des commentaires. Le questionnaire permettait de connaître le nombre de patients pris en charge par le médecin répondeur, l’existence ou non d’un protocole dans le centre puis des questions ciblées sur le dépistage de l’ostéoporose, sur les moyens de diagnostic et de traitement physique et pharmacologique et sur l’influence de l’absence d’AMM pour cette population.


Cent trente-sept questionnaires ont été envoyés durant la période du 30 janvier au 31 août 2009 avec un contrôle de réception par émail.





Méthode


Nous avons réalisé une enquête à partir d’un questionnaire envoyé par émailing aux médecins de MPR prenant en charge des blessés médullaires à partir d’un listing de la Société française de médecine physique et de réadaptation (Sofmer) et de l’Association francophone et internationale des groupes d’animation de la paraplégie (AFIGAP).


Chaque questionnaire était adressé avec une lettre d’instruction et comportait comme consigne, le fait que le praticien exerce une activité auprès de blessés médullaires, en séjour en centre et en suivi. Le questionnaire devait être rempli à titre personnel par le praticien selon sa pratique, d’où le fait que plusieurs réponses par centre pouvaient être acceptées, à condition qu’il n’y ait pas de protocole standardisé dans ce centre. Dans ce cas, un seul questionnaire était retenu.


Le questionnaire comportait essentiellement des questions fermées. Les praticiens pouvaient ajouter des commentaires. Le questionnaire permettait de connaître le nombre de patients pris en charge par le médecin répondeur, l’existence ou non d’un protocole dans le centre puis des questions ciblées sur le dépistage de l’ostéoporose, sur les moyens de diagnostic et de traitement physique et pharmacologique et sur l’influence de l’absence d’AMM pour cette population.


Cent trente-sept questionnaires ont été envoyés durant la période du 30 janvier au 31 août 2009 avec un contrôle de réception par émail.





Résultats


Nous avons reçu 57/137 réponses dont 26/57 de médecins prenant en charge de manière régulière des blessés médullaires. Ces 26 questionnaires proviennent de 23 centres hospitaliers ou privés de rééducation différents.


Les résultats sont exprimés en moyenne et rapportés sur le Annexe .


Concernant les médecins ayant répondu, la moyenne du nombre de sujets suivis par an est de 74,2 et la moyenne de nouveaux cas annuels est de 19,6 avec d’importantes variations. L’étiologie traumatique prédomine. Un seul médecin rapporte l’existence d’un protocole de prise en charge de l’ostéoporose mais il ne nous l’a pas fourni.


Concernant le dépistage de l’ostéoporose, celui-ci n’est effectué de façon systématique que pour 19,2 % des médecins et il n’est réalisé après une fracture que dans 80,2 % des cas. Certains critères, dont principalement l’âge et la ménopause, incitent 50 % des médecins à faire un dépistage de l’ostéoporose.


Le diagnostic d’ostéoporose repose sur l’ostéodensitométrie (96 %) mais un nombre important de praticiens évoque la biologie (85 %) et les radiographies osseuses (64 %).


Concernant la prise en charge de l’ostéoporose, la verticalisation reste un moyen de prévention pour 88 % des médecins à la phase aiguë et pour 77 % à la phase chronique. Le réentraînement à l’effort est prescrit par 53 % des médecins.


Quatre-vingt-douze pour cent des praticiens traitent au stade d’ostéoporose confirmée. L’association thérapeutique la plus souvent préconisée est calcium-vitamine D et biphosphonates. La durée du traitement pharmacologique est très variable : de deux ans minimum à un traitement au long cours. Au stade d’ostéopénie, 48 % des médecins préconisent une supplémentation vitaminocalcique. Un seul médecin déclare traiter de manière préventive tout patient blessé médullaire. L’absence d’AMM pour cette population influence moins de la moitié des médecins.





Discussion


Des données de cette enquête nous pouvons constater :




  • qu’il n’y a globalement pas de prise en charge standardisée de l’ostéoporose en pratique chez le blessé médullaire même si cette question est bien connue. Ainsi, il n’y a pas de recherche systématique d’une ostéoporose ni même d’évaluation des modifications du métabolisme osseux, aussi bien en phase aiguë que chronique ;



  • que la recherche d’une ostéoporose est le plus souvent faite après fracture, mais curieusement pas pour 100 % des praticiens ;



  • que le diagnostic d’ostéoporose est de manière prépondérante basée sur l’ostéodensitométrie, mais curieusement d’autres critères restent encore proposés – déminéralisation à la radiographie et bilan biologique perturbé or ces critères n’entrent pas dans la définition classique de l’ostéoporose ;



  • que la stratégie de prise en charge se situe dans la prévention secondaire de nouvelles fractures et non dans la prévention précoce de la survenue de l’ostéoporose.



Par ailleurs, des données de la littérature, il apparaît :




  • que chez le blessé médullaire, il ne s’agit pas uniquement d’une ostéoporose d’immobilisation (terme classiquement employé) ; mais qu’en parallèle à la baisse de la force mécanique sur l’os, le dysfonctionnement du système neurovégétatif ainsi que les déficiences hormonales ont une part de responsabilité dans la survenue de cette « raréfaction osseuse ». On parle ainsi plus de neuro-ostéoporose, mais la physiopathologie exacte du trouble osseux n’est pas précisément connue ;



  • que sa survenue est rapide, précoce, dans la première année. En effet, l’hyperremodelage osseux débute dès les premières semaines, pour atteindre un maximum entre le troisième et le sixième mois post-lésionnel et se stabiliser à partir du 16 e mois ;



  • que le moyen diagnostic le plus aisé et recommandé dans la littérature est celui de l’ostéodensitométrie, mais il est tardif car significatif à partir du 12 e mois . Cet examen se montre discutable selon les normes qui ont été établies chez la femme ménopausée, discutable selon les localisations car en pratique courante, il explore le poignet, le rachis lombaire de L1 à L4, et la hanche totale. Or les sites les plus soumis au risque de fracture chez le blessé médullaire sont différents (fémur proximal et distal, tibia proximal). Enfin, concernant les blessés médullaires, il faut prendre en compte les paraostéoarthropathies qui sont des complications fréquentes, pouvant augmenter faussement la DMO évaluée et le matériel d’ostéosynthèse lombaire qui perturbe au niveau rachidien l’interprétation de l’examen. Ainsi, si le diagnostic de l’ostéoporose du blessé médullaire est possible par examen ostéodensitométrique, il est important d’en retenir ces limites d’interprétation.



L’ensemble des données de la littérature et les résultats de ce questionnaire nous ont incités à proposer un « protocole de surveillance systématique de la densité minérale osseuse » pour dépister une ostéoporose et ainsi tenter d’éviter la survenue de fracture en s’appuyant sur les recommandations qui existent pour l’ostéoporose post-ménopausique, même si la physiopathologie est différente, mais en l’absence d’autres possibilité actuellement. Nous avons soumis cette proposition à un groupe expert Sofmer-AFIGAP (Albert T., Fattal C., Goossens D., Perrouin-Verbe B., Tournebise H., Rannou F.) après une présentation préliminaire lors du congrès de la Sofmer à Lyon le 15 octobre 2009.




Protocole de dépistage du risque fracturaire


1. Recherche annuelle d’une carence en vitamine D et supplémentation si besoin.


2. Réalisation d’une ostéodensitométrie pour tous les patients blessés médullaires entre 12 et 24 mois post-lésionnel.


Si le T-Score est inférieur à −2,5 D.S., discuter d’un traitement par bisphosphonates en fonction de l’âge du patient (si sujet jeune est inférieur à 50 ans, voire si autres facteurs de risque que lésion neurologique), du statut hormonal (si période périménopausique, attendre la ménopause pour traiter), du risque fracturaire (patient actif à traiter, risque de chutes).


Si T-score est supérieur à −2,5 D.S., refaire l’examen à trois à cinq ans.


3. En post-fracturaire, faire une ostéodensitométrie systématique avec traitement par bisphosphonates dans le cadre de la prévention secondaire.

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Apr 23, 2017 | Posted by in PHYSICAL MEDICINE & REHABILITATION | Comments Off on Ostéoporose du blessé médullaire. Dépistage et traitement. Résultats d’une enquête sur les pratiques des médecins de MPR en France. Propositions de conduite à tenir vis-à-vis du dépistage et du traitement

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