La médecine manuelle – ostéopathie (MMO) se définie comme une pratique manuelle visant à diagnostiquer et traiter une dysfonction au sens large du terme, un dérangement bénin, mécanique et/ou réflexe, d’une structure articulaire, vertébrale ou périphérique, ainsi que des tissus mous, ainsi que les douleurs projetées qui en résultent.
Cette définition, véritable nébuleuse diagnostique et thérapeutique, regroupe quelques particularités techniques :
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les massages, les mobilisations articulaires et vertébrales et les manipulations proprement dites : celles-ci sont des mouvements forcés avec impulsion de très faible amplitude et de très haute vélocité. Elles se déclinent en France sous forme d’ostéopathie ou de chiropraxie. Seules les techniques ostéopathiques sont enseignées dans les universités de médecine ;
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par ailleurs, les techniques non forcées, neuromusculaires, qui relèvent de la pratique professionnelle des kinésithérapeutes, sont devenues très prisées des médecins ostéopathes et les ostéopathes non-médecins et non kinés. Elles sont la plupart du temps fondées sur les étirements post-isométriques (contracter-relâcher) : on les intitule « techniques myotensives » quand le médecin les pratique, « levées de tension musculaire » quand le kinésithérapeute les utilise. D’autres techniques (Mitchel, technique du raccourcissement maximal de Jones (Strain-Counterstrain), décordage… sont également utilisées. Ces différentes techniques et méthodes s’appliquent dans le domaine rachidien douloureux, avec succès et certaines preuves scientifiques ;
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l’ostéopathie crânio-sacrée serait fondée sur une perturbation du « flux rythmique du liquide céphalo-rachidien ». Le rétablissement de celui-ci guérirait le patient. Il n’y a aucun résultat scientifique validé concernant ce type de pratique, tous les éléments disponibles étant de trop faible qualité méthodologique ;
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l’ostéopathie viscérale consiste en techniques externes, cutanées mais également articulaires et musculaires appliquées dans le même métamère neurologique que l’organe en cause. Il n’y a aucune validation scientifique de cette prise en charge ;
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les manipulations articulaires périphériques sont des mobilisations forcées de certaines articulations des membres dans le but d’obtenir un effet antalgique sur des séquelles ostéo-articulaires douloureuses. Elles sont très prisées dans le monde sportif.
L’organisation légale de cette discipline, autrefois confiée aux seuls médecins, s’est paradoxalement opacifiée depuis la Loi 2002-203 du 4 mars 2002 (art. 75) qui reconnaît, sous certaines conditions, l’autorisation de la pratique de l’ostéopathie par les non-médecins. Les décrets d’application, parus cinq ans plus tard, puis d’autres interventions législatives, en particulier la Loi du 12 mai 2009, ont encore modifié le contenu de l’article 75 rendant de plus en plus opaque la formation initiale, minimale et nécessaire, que les nombreux établissements de formation privée doivent dispenser aux non-médecins.
Ceux-ci seraient actuellement environ 15 000 ostéopathes agréés par les DRASS dans des conditions parfois « baroques » : l’accès par les patients est direct (!) et, étant en dehors du système de santé, ces praticiens peuvent réaliser un certain nombre de prestations sans contrôle, (se faire de la publicité !) et d’autres sous contrôle médical (manipulation cervicale…). Le rôle des médecins de médecine physique, de rhumatologie et de médecine générale est, dans ces cas, essentiel.
Les médecins, quant à eux, ont accès à l’enseignement de la MMO à partir de bac+ 10 (internat et thèse de médecine). Ce pré-requis est suffisant, nécessaire, et réglementaire pour les instances juridictionnelles, décisionnelles. L’enseignement se déroule dans le cadre d’un diplome inter-universitaire de MMO qui fut unifie en 1995 sous l’égide du Conseil national de l’ordre (Pr Glorion). Ce diplôme est reconnu pour les médecins généralistes et spécialistes. L’intitulé (MMO) est discuté depuis 30 ans : il est trop restrictif pour les tenants de la médecine orthopédique, il est ésotérique pour d’autres, pragmatique pour la plupart. Quatorze UFR de médecine délivrent ce diplôme en France. L’ensemble de ces UFR est regroupé dans un Collège d’enseignants universitaires (CEMMO).
La formation initiale, universitaire, est complétée par une formation continue spécifique délivrée par les sociétés savantes (Société française de médecine manuelle orthopédique et ostéopathique (SOFMMOO) et Société française d’ostéopathie (SFO)) ainsi que par la Fédération européenne de médecine manuelle et ostéopathie (FEMMO), qui regroupe les différentes associations privées d’enseignement de MMO. Cet enseignement est adossé à une revue scientifique entièrement dédiée à la médecine manuelle ( Revue de médecine orthopédique ).
Pour pratiquer l’ostéopathie médicale, le DIU de MMO est le viatique, encore nécessaire et suffisant, reconnu par l’ordre des médecins et par le Conseil d’État dans son avis du 23/01/2008. L’enregistrement du dossier doit se faire à la DDASS du département où exerce le médecin.
Mais, avant de pratiquer la MMO, le praticien est avant tout un médecin qui se doit d’appliquer les exigences du Code de déontologie. Quelques articles de ce code médical s’appliquent particulièrement aux thérapeutiques manuelles quelque soit le praticien qui les réalise :
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l’article 70 stipule que : « sauf circonstances exceptionnelles, le médecin ne peut entreprendre ni poursuivre des soins et des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose » ;
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l’article 33 souligne l’importance du diagnostic médical pour réduire au maximum le risque de perte de chance par absence ou erreur de diagnostic ;
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l’article 32 souligne les limites à ne pas dépasser : « Le médecin s’engage à assurer personnellement des soins consciencieux, dévoués, et fondés sur les données acquises de la science… » ;
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L’article 39 prend tout son relief dans le cadre de la MMO : « Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou a leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment prouve. Toute pratique de charlatanisme est interdite ».
Le Code de déontologie médical balise, ainsi, très précisément le champ de compétences dans le domaine de la MMO.
En fait, l’indication de la MMO est liée à la pathologie musculo-squelettique et, de façon plus précise, l’indication « traditionnelle » est la « dysfonction » intervertébrale, le dérangement intervertébral mineur (DIM) responsable d’une douleur et/ou d’une restriction de mobilité, sans préjuger de son étiologie. Cette indication générique se retrouve dans la plupart des cervicalgies, dorsalgies, lombalgies aiguës ou chroniques et certaines céphalées considérées comme étant d’origine cervicale.
En pratique, la situation est plus complexe, dans la mesure où la littérature scientifique, bien qu’abondante, n’apporte pas toujours de preuve définitive ; Elle décrit précisément les indications, les contre-indications et surtout les risques des manipulations cervicales qui doivent être envisagés sous le rapport risques/bénéfices et celui du principe de précaution .
Les techniques manipulatives « de base » sont au nombre d’une quinzaine, chacune ayant d’infinies variantes. Elles sont abondamment décrites dans la littérature et leur enseignement, dans le cadre du DIU de MMO, se fait sous la direction de moniteurs médecins confirmés, autour de tables d’examen, par groupes de six à huit, selon une méthode du « jeu de rôle » avec mise en situation.
Avant de jouer à ce jeu « pour de vrai », le jeune médecin de MMO connaît les démarches diagnostiques par une maîtrise parfaite de l’examen clinique, de l’interprétation de tous les examens d’imagerie disponibles, des examens électriques et biologiques. Pour ce faire, il sait utiliser les données scientifiques et biomédicales conceptuelles, morphologiques, physiologiques, pharmacologiques et biomécaniques actuelles.
Il sait également évaluer les rapports bénéfices/risques de tous les traitements médicaux, médicamenteux et non médicamenteux ainsi que les traitements chirurgicaux.
La MMO provoque actuellement un réel engouement auprès des jeunes médecins, toutes les structures universitaires dispensant ce type de pratique étant, chaque année, obligées de refuser des candidatures. Deux cent cinquante à 300 médecins sont formés chaque année dans ce cursus très sélectif. Toutefois, le nombre d’intervenants, médecins, kinés, non-médecins… dans ce champ de l’ostéopathie, voire de la chiropraxie, est devenu tellement important, au niveau individuel, associatif, syndical ou administratif, que l’on peut raisonnablement se poser des questions sur l’avenir de cette discipline. De nombreux textes réglementaires sont actuellement déposés à l’Assemblée en attendant le rapport de l’IGAS, mandatée en 2009 par la ministre de la Santé et des Sports pour analyser le dispositif de formation initiale et continue des ostéopathes, médecins ou non, et d’y apporter les ajustements nécessaires.
Une nouvelle synthèse législative sera nécessaire pour une meilleure prise en charge des patients.