La Loi Hôpital Patients Santé Territoires 1
1 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (NOR : SASX0822640L). Journal Officiel de la République Française, 22 juillet 2009.
prévoit une régulation plus étroite des flux des différentes spécialités médicales en fonction des besoins de santé, les étudiants en médecine reçus à l’examen classant national (ECN) choisissant à partir du concours 2010 une ville d’internat mais aussi une spécialité médicale d’affectation selon des effectifs prédéterminés de façon quinquennale par le ministère de la santé. L’Arrêté du 12 juillet 2010 déterminant pour la période 2010–2014 le nombre d’internes en médecine à former par spécialité et par subdivision, publié au Journal Officiel du 20 juillet 2010 22 Arrêté du 12 juillet 2010 déterminant pour la période 2010-2014 le nombre d’internes en médecine à former par spécialité et par subdivision (NOR: SASH1018315A). Journal Officiel de la République Française, 20 juillet 2010.
, modifie ainsi profondément la situation de la formation des jeunes spécialistes en médecine physique et de réadaptation (MPR) et les perspectives démographiques de notre spécialité. Ainsi, dès cette rentrée, un étudiant va prendre un choix du type « cardiologie à Reims » ou « neurochirurgie à Paris » ou « médecine générale à Bordeaux », s’il lui reste une place dans cette filière et dans cette ville de rattachement au moment de son choix à l’amphithéâtre de garnison. Un droit au remords du choix de spécialité – mais pas de ville d’internat – pourra s’exercer durant les deux premières années sans permettre bien entendu de choisir une filière non accessible au départ du fait du rang de classement de l’interne. À la suite de l’augmentation du numerus clausus des étudiants admis à poursuivre des études médicales à l’issue du PCEM1, l’effectif total des internes toutes spécialités confondues est appelé à augmenter d’environ 40 % dans les années à venir, avec la volonté que cette élévation bénéficie en priorité à la médecine générale et aux régions en pénurie médicale relative. D’environ 19 600 internes aujourd’hui en 2010, l’effectif devrait ainsi dépasser 27 800 dès 2018.Quel est l’impact de cette évolution pour la médecine physique et de réadaptation ? La France est aujourd’hui avec l’Italie le pays européen ayant le plus grand nombre de médecins spécialistes MPR. Dans son bilan démographique annuel 3
3 Legmann M, Kahn Bensaude I, Romestaing B. Les bases de la démographie médicale en France : situation au 1 er janvier 2009. Paris : Conseil national de l’ordre des médecins ; 2009.
, le Conseil national de l’ordre des médecins recensait 1765 médecins spécialistes de MPR au 1 er janvier 2009. Parmi ces médecins, 43 % étaient des femmes et 22 % avaient un exercice libéral principal, mais surtout 45 % avaient plus de 55 ans, témoignant d’un vieillissement marqué de notre discipline. Ainsi l’observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) évaluait que 800 médecins de notre spécialité, la plupart issus des générations nombreuses du Certificat d’études spécialisées (CES) en rééducation et réadaptation fonctionnelle, pouvaient quitter l’exercice professionnel dans les dix prochaines années ! Parallèlement environ 30 nouveaux spécialistes en MPR s’étaient inscrits chaque année à l’ordre ces dix dernières années, les médecins « entrants » ne compensant pas loin s’en faut les « sortants ». Le risque était donc important de voir s’effondrer le nombre de médecins de MPR et se réduire parallèlement les champs d’activité de la spécialité. Les difficultés de recrutement de praticiens par les services et centres, par les établissements médicosociaux ou pour une succession d’activité libérale, déjà importantes, menaçaient de devenir encore plus critique. Ce constat a amené les organismes de notre spécialité (Fedmer, Sofmer, Syfmer, Cofemer et Ajmer) à se mobiliser vis-à-vis des tutelles et à sensibiliser les responsables politiques, avec l’appui de grandes associations liées au handicap qui avaient identifié les problèmes d’accès aux compétences médicales nécessaires à leurs adhérents handicapés ou de renouvellement de l’effectif médical de leurs services comme l’Association de paralysés de France, la Fondation Motrice, France AVC, l’Union Nationale des familles de traumatisés crâniens.Nos préoccupations ont été entendues. L’arrêté prévoit 389 postes d’internes offerts à l’examen classant national dans la spécialité MPR de 2010 à 2014, soit environ 78 par an, assez également répartis sur le territoire dans les différentes régions. Globalement, la répartition des postes s’est faite sur la base du renouvellement des médecins exerçant dans chacune d’elles, sans remise en cause importante de la répartition géographique existante. La liberté du lieu d’exercice étant préservée, une mobilité secondaire des praticiens ajustée en fonction de la demande est possible. La MPR doit démontrer son attractivité par un travail de nos représentants (praticiens, internes, enseignants) auprès des étudiants hospitaliers, afin d’en améliorer l’image, mais également auprès des tutelles et organismes payeurs, afin d’améliorer l’exercice de notre spécialité. Le nombre de postes non pris dans telle ou telle spécialité et les rangs limites d’affectation, indiquant la popularité de la discipline auprès des étudiants, seront suivis avec attention. Mal connue de la plupart des étudiants en médecine, la MPR est une spécialité qui était le plus souvent choisie tardivement au cours du cursus de l’internat… ce qui devient difficile ! Devant ces enjeux, dès cette année, des internes de MPR membres de l’Ajmer, association des jeunes médecins en MPR (internes et assistants), seront présents lors du choix des postes à l’examen national classant pour informer les étudiants des opportunités offertes par la MPR et des caractéristiques des différents sites de formation.
Les années qui viennent vont donc voir ressurgir une génération nombreuse de jeunes médecins spécialistes de notre discipline. La loi permet un élargissement des terrains de stage à tous les établissements formateurs publics ou privés. La formation en MPR associe connaissances théoriques à travers un enseignement national et compétences acquises d’abord à travers les stages, issues de l’expérience de la clinique, de la pratique des investigations et traitements, de la recherche clinique et de l’innovation. Elle devra s’adapter à ce nombre de jeunes médecins beaucoup plus élevé qu’aujourd’hui et aux défis futurs auxquels notre spécialité doit répondre : évolutions sociales et économiques, modification épidémiologiques et démographiques des pathologies, progrès scientifiques et technologiques, nouvelles activités médico-techniques, transferts de compétences dans un périmètre des professions de santé de plus en plus défini sur la base de références européennes… Si des domaines traditionnels de notre spécialité vont se trouver vivifiés par les nouveaux arrivants, de nouveaux champs professionnels comme les handicaps liés aux cancers, aux maladies métaboliques et de surcharge, aux infections chroniques, doivent être envisagés pour mieux répondre aux besoins de santé et à l’épidémiologie des affections handicapantes. Les exigences de la formation évoluent également : le périmètre de compétences de chaque professionnel de santé doit être mieux défini qu’auparavant, le processus de validation (référentiels professionnels) explicité, dans le contexte d’une convergence européenne des diplômes. Des réflexions sont en cours, auxquelles notre spécialité est associée, visant à modifier les cursus d’internat des spécialités médicales et adapter le post-internat au nombre plus élevé de jeunes médecins. Ces évolutions sont probablement les plus importantes depuis la disparition du CES en 1986. Elles ne doivent pas nous conduire à un repli sur soi, et la possibilité de passerelles permettant l’accès à des médecins issus d’autres spécialités, notamment après un certain temps d’exercice, devrait se formaliser et nous l’espérons se développer.
Même si ce nouveau visage de la formation médicale n’est pas encore totalement connu, notre spécialité est déjà assurée d’un nouveau souffle. Ce bain de jouvence va être un irremplaçable facteur de renouvellement et de dynamisme de notre belle spécialité : bienvenue aux futurs médecins de MPR !