De l’indexation bibliométrique au financement et à l’évaluation de la recherche, un enjeu pour les Annales de médecine physique et de réadaptation?




Le développement des bases de données informatiques a modifié l’accès aux publications scientifiques et a permis de dépasser la simple perspective scientifique et de recherche bibliographique pour conduire l’évaluation en recherche et même la valorisation financière. L’introduction de critères quantitatifs dans l’évaluation de l’activité scientifique par la bibliométrie représente un progrès. Néanmoins, elle peut donner lieu à des biais importants liés à la fois à la mauvaise utilisation des indicateurs et à la place excessive qui lui est donnée par rapport aux autres critères d’évaluation (Académie des sciences, rapport 2009). L’idée est aujourd’hui dominante que la publication est une trace majeure de l’activité scientifique et que la « notoriété », le fait d’être cité, est un indicateur de « l’influence » d’un auteur. Qui cite qui, qui est cité par qui et combien de fois… On calcule ainsi un « facteur d’impact » d’un auteur ou d’un groupe d’auteurs, d’un laboratoire, d’une université, d’un hôpital etc. Aujourd’hui, Thomson Reuters, groupe employant plus de 50 000 personnes gère l’Institute for Scientific Information (ISI), créé dans les années 1950 par E. Garfield, et tient le rôle principal. Environ 10 000 revues scientifiques dans 42 langues différentes sont répertoriées par Thomson Scientific. Le Web of Science (WoS) et le Web of Knowledge, c’est eux. Le logiciel documentaire et de bibliographie très répandu, Endnote , c’est également eux. Les informations répertoriées dans les bases de données bibliographiques permettent de déterminer le « facteur d’impact » du périodique ( Journal Impact Factor ), calculé à partir du quotient des nombre de fois où, pour une année donnée N, les articles d’un périodique X sont cités dans un ensemble de périodiques de la catégorie durant l’année N-1 et N-2, rapporté au nombre d’articles « citables » durant la période dans le périodique X. Évidemment, la détermination par Thomson des articles « citables » ou non et la sélection des revues indexées peut modifier notablement ce rapport. Les auteurs comme les revues peuvent également être tentées par une politique d’auto-citation ou de citation réciproque pour améliorer l’impact factor… Bien entendu, il est hasardeux de tirer des conclusions sur la valeur d’un auteur sur la seule base d’une publication dans une revue prestigieuse à haut impact, impact qui ne reflète qu’une moyenne de citations souvent très hétérogènes de l’ensemble des articles de la revue : habituellement, environ 15 % des articles génère la moitié des citations d’une publication scientifique. Les revues les plus prestigieuses contiennent aussi des articles de qualité moyenne d’ailleurs peu cités… Les magazines pluridisciplinaires et généralistes comme Nature ou Science possèdent un facteur d’impact de l’ordre de 28–30, alors qu’il est plutôt de l’ordre de 1 à 5 pour les revues spécialisés en MPR. D’autres bases de données ont été créées, telle Scopus d’Elsevier, qui recouvre un nombre de revues plus important et des champs disciplinaires plus vastes, notamment pour les sciences humaines et sociales, ou encore Pascal Biomed produite par l’INIST en sciences médicales, mais restent moins utilisées en bibliométrie.


On peut aussi regarder les choses sous un autre angle ( Citing ) et regarder dans quelles revues sont publiés les articles cités dans les articles d’un périodique donné pour une année de référence. Cette approche s’est développée très rapidement depuis 2005 après la proposition par J.E. Hirsch d’un indicateur h attribué individuellement à chaque scientifique. Cet indicateur, fondé sur le nombre d’articles ayant un fort nombre de citations, a le mérite de pouvoir être calculé extrêmement rapidement avec le logiciel Web of Science de la base Thomson ISI. Un autre indicateur de citation privilégiant l’excellence, l’indicateur g, a été proposé en 2006 par L. Eghhe. Ces indicateurs basés sur les citations sont augmenté par l’âge du publiant et peu utilisables pour des jeunes chercheurs ou médecins. Ils peuvent être faussés par divers biais (comme la multiplication des auteurs ou l’auto-citation, mais aussi la multiplication des publications aux dépens de leur qualité). Dans tous les cas, le respect des règles éthiques et scientifiques de l’attribution et des rangs des auteurs est déterminant : seuls les auteurs ayant contribué effectivement à la publication doivent apparaître et être placés à un rang à proportion de leur contribution au travail. Grâce aux efforts des éditeurs, les Annals of Physical and Rehabilitation Medicine ont franchi un premier pas en étant indexées sur les principales bases bibliographiques particulièrement Medline, mais restent en attente d’un impact factor, arbitré in fine par Thomson scientific et retardé par l’anglicisation du titre.


Initié au CHU de Lille en 2002, le projet système d’interrogation, de gestion et d’analyse des publications scientifiques (SIGAPS) est issu des publications référencées Medline. En 2006, le système a été déployé, puis généralisé en 2008 pour apporter des éléments objectifs à la base du financement des missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (MERRI), pour la tarification des établissements de soins aigu. Le système différencie six niveaux de publications, les cinq premières catégories correspondant aux percentiles d’impact factor par discipline de A à E, le rang A correspondant aux 10 % les plus élevés. La sixième catégorie NC, correspond aux revues non indexées. La catégorie de la revue est valorisée : quatre pour une revue classée A ; deux en B ; un pour les autres. Le score SIGAPS prend également en considération la position de l’auteur : 4 pour le premier auteur, 3 pour le deuxième, 2 pour le troisième, 1 pour les autres positions. Une modification récente attribue trois points au dernier auteur. Le score SIGAPS, fondé sur le concept d’impact factor (IF) « relatif » selon les disciplines ISI, réduit les inégalités entre les spécialités observées avec l’impact factor. Cela a conduit à élargir son utilisation au-delà du financement dans certaines évaluations universitaires (AERES, CNU). Cependant, il n’y a pas de correspondance entre les disciplines scientifiques de l’ISI et les sous-sections du Conseil national des universités (CNU) françaises. Malheureusement, dans le cas de notre spécialité médicale MPR transversale et diversifiée, le système n’identifie qu’un groupe hétérogène « rehabilitation » qui ne correspond pas au champ d’activité scientifique de la Médecine Physique et de Réadaptation , incluant des revues qui ne sont pas représentatives de notre discipline et en excluant d’autres renvoyées dans d’autres disciplines médicales ou chirurgicales d’organe, d’où une sous évaluation relative de plusieurs revues de nos champs d’intérêt. L’extension prochaine de la tarification à l’activité et des MERRI au secteur de Soins de suite et de réadaptation a augmenté l’inquiétude vis-à-vis de cette situation et a ouvert le débat sur une classification SIGAPS des revues mieux adaptée. Les instances de notre discipline particulièrement la FEDMER, la SOFMER et le COFEMER sont intervenues auprès des tutelles pour obtenir l’intégration des Annales dans une des classes valorisée, alors qu’elles restent aujourd’hui encore dans la catégorie SIGAPS la plus basse NC. Espérons que nous serons entendus, car notre revue représente le vecteur principal de la diffusion des activités scientifiques en Médecine Physique et de Réadaptation et la revue où nous publions le plus fréquemment !


Déclaration d’intérêts


L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Apr 23, 2017 | Posted by in PHYSICAL MEDICINE & REHABILITATION | Comments Off on De l’indexation bibliométrique au financement et à l’évaluation de la recherche, un enjeu pour les Annales de médecine physique et de réadaptation?

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